Hommage à Papa   

 

 

 

Anh-Asma et Hien-Hella, les enfants du Dr. Vuong Ngoc Phat 
 Clichy, Paris, Samedi 17 mai 2003, 14h 

      

Nous sommes les troisième et quatrième des quatre filles du Docteur Phat

Papa était un scientifique et un philosophe à la fois. Sa modestie face à la Connaissance le rendait toujours désireux d’en apprendre plus. Il possédait une grande ouverture d’esprit. Il était généreux, persévérant –parfois têtu-, et honnête. Et tant de choses encore…

 

Aujourd’hui, nous aimerions mettre l’accent sur son caractère drôle et jovial, dont tout le monde se souvient car il avait un sourire rayonnant et un rire éclatant. Pour illustrer nos propos (car il le faisait toujours en ponctuant ses phrases de : « par exemple, pour prendre un exemple simple »), voici quelques attitudes, quelques phrases, ou de simples mots, qui n’appartenaient qu’à lui.

 

     Premièrement, Papa était quelqu’un de très structuré dans ses discours (esprit scientifique oblige). D’ailleurs, il préparait toujours ses conférences la veille au soir ! Vous aurez peut être remarqué, vous aussi, que lorsqu’il avançait son « n » ième argument, il commençait quand même sa phrase par « deuxièmement ».

Oui, si l’on peut dire qu’ il était très organisé dans sa tête, on n’en dirait pas tant de ses placards.

 

          Deuxièmement, il répétait souvent pour nous taquiner qu’il était « un mec bien, un mec bien ». Et il rajoutait « On ne trouve pas deux papas comme moi à la Samaritaine ». Ah ça non, il avait bien raison. C’était un être exceptionnel.

Oh ! Papa était très photogénique. Il aimait bien se regarder fièrement dans les miroirs – et il y avait de quoi ! - en se brossant les cheveux, les doigts écartés en guise de peigne.

(Hella :) Il faisait aussi beaucoup rire quand il m’affirmait que c’était grâce à SES gènes que j’avais des bonnes notes dans les matières scientifiques ; et dans les matières littéraires il disait que c’était toujours grâce à lui, car il m’avait transmis le gène de la poésie de Papi, bien que celui-ci ait été « endormi » chez lui. Et pour les moins bonnes notes ou pour mon caractère « toxique », c’était certainement une mutation génétique ! 

En effet, quand on le titillait sur sa fausse modestie, il répondait avec humour : « quelle fille toxique celle là, toxique ! »(avec le doigt qui pointe vers le ventre) ou encore : « Oh Oh Oh! Je n’ai pas sollicité ton commentaire ». 

Son accent est inimitable. (Asma :) J’ai toujours du mal à le tenir sur une phrase entière. C’est drôle mais je n’ai réalisé qu’il avait un fort accent vietnamien qu’à l’âge de 14 ans ! Qui l’eut crû ?!

 

        Papa était très affectueux. Nous chérissions les câlins de Papa. Il nous tapait souvent amicalement et paternellement sur le dos… en nous brisant les omoplates ; aussi, il nous broyait inconsciemment l’épaule avec tendresse.

Comme il adorait qu’on lui fasse des bisous, il gonflait la joue et se mettait sur la pointe des pieds pour nous rendre la tâche plus facile. Ces dernières années, ça ne marchait plus pour Hella, qui l’avait dépassé avec son mètre 68 ou 69.

Quand, durant ses études, la propriétaire de sa chambre de bonne, qui avait le béguin pour Papa, lui a réclamé un massage, il a rétorqué qu’il était désolé , qu’il ne savait pas faire des massages mais par contre, qu’il savait faire des autopsies !

 

       Deuxièmement, (Asma : -bon, là je crois ma blague commence à peser. En fait c’est notre quatrième paragraphe !) Nous savons tous à quel point papa était travailleur. Les Anglo-saxons ont un mot qui lui convient parfaitement : « work-oholic ». Il passait tout son temps libre devant l’ordinateur, à rédiger des articles, à écrire ses livres. La science et la recherche étaient ses grandes passions. C’est pour cela qu’il disait souvent à ses laborantines : « il n’y a pas que l’anapath’ dans la vie » !

 

       Quand nous sortions pour la soirée ou pour dormir chez une copine, il plaisantait toujours à notre retour en prétendant qu’il avait passé la soirée sur un banc, à nous attendre, sans rien manger.

 

       Quand on allait au restaurant, il commençait à prendre la commande par un « elle a train à prendre ! », assorti d’un éclat de rire spontané. Puis, lorsqu’on lui présentait l’addition, il feignait d’avoir mal au poignet (pour le chéquier)  ou au doigt (pour la machine). Et je vous rassure, il finissait toujours par nous inviter !

 

       Papa aimait tellement le riz -(origines vietnamiennes obligent) - qu’il fallait lui en préparer pour chaque repas… même, les soirs où on  lui servait du couscous !

Il adorait aussi boire le thé à la menthe, après le dîner -(mariage avec une merveilleuse Tunisienne oblige)-. Afin qu’on le lui prépare, il allait faire sa cueillette de menthe dans le jardin. Puis il tendait ses trésors en chlorophylle à ma mère en disant : « Tiens chérie, j’ai cueilli de la menthe fraîche, par amour pour toi… et rien que pour toi ».

 

Ma liste ne saurait être exhaustive. Si jamais vous avez d’autres anecdotes, je vous prie de bien vouloir les noter dans l’un deux livres posés de part et d ‘autre de la salle, prévus à cet effet.

 

Voilà, nous aimerions finir par ce qu’il a toujours voulu nous apprendre à toutes les quatre, en fait à toutes les cinq. Il nous a inculqué qu’il fallait être « imbattable », et qu’il faudrait réussir… encore mieux que lui. (Papa, pourquoi as-tu mis la barre aussi haut ?!!) Il nous a toujours imaginées et rêvées heureuses avant tout, et, par découlée, indépendantes financièrement. « On ne sait pas sur quel mari on peut tomber ! Et même si c’est « mec bien », on ne sait jamais ce qui peut arriver. », disait-il.  

Pour conclure, je puis dire que dans les deux différentes cultures dans lesquelles nous avons baigné, on porte dans nos cœurs les êtres chers… disparus. Nous avons  la conviction que Papa n’est pas mort, puisqu’il continuera à vivre dans nos esprits, nos souvenirs.